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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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  • Photo du rédacteurheleneperoz

Répudiation unilatérale. Absence de contrariété à l’ordre public. Egalité des époux


Civ. 1, 12 juillet 2023, n° M 21-21.185



Une répudiation unilatérale n’est pas contraire à l’ordre public international dès lors qu’elle ne remet pas en cause le principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage.


M. [D] et Mme [L], tous deux de nationalité tunisienne, se sont mariés en Tunisie en 2006. Ils ont acquis la nationalité française le 25 janvier 2016.


Le 26 décembre 2017, un jugement de divorce est prononcé en Tunisie sur la demande unilatérale du mari.


Le 8 août 2019, Mme [L] a saisi un juge aux affaires familiales français d'une requête en divorce.


M. [D] a soulevé une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée du jugement tunisien.


Afin de bénéficier de l’autorité de la chose jugée, le jugement tunisien de divorce doit être régulier. En l’espèce s’appliquait la convention franco tunisienne du 28 juin 1972 relative à l’entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et a l’exécution des décisions judiciaires.


Plus particulièrement l’article 15 d de la convention franco tunisienne prévoit que les décisions des Etats contractants sont reconnues de plein droit si la décision de contient rien de contraire à l’ordre public de l’Etat où elle est invoquée.


La question était donc de savoir si la décision de divorce sur demande unilatérale du mari était ou non contraire à l’ordre public international français.


Depuis 2 arrêts du 17 juillet 2004, et sur le fondement de l’article 5 du protocole n° 7 du 22 novembre 1984 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Cour de cassation considère que la répudiation unilatérale est contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage.


Civ. 1, 17 février 2004, n° 02-11.618 et n°01-11.549


La Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence depuis.


En l’espèce, c’est bien par l’intermédiaire d’une demande unilatérale du mari que le juge tunisien a prononcé le divorce. De plus le lien avec la France est particulièrement important puisque les époux ont acquis la nationalité française et résident en France.

Si l’on s’en tient à la jurisprudence de 2004, la décision devrait être contraire à l’ordre public.


Tel n’est pas le cas. La Cour de cassation n’assimile pas le divorce obtenu sur demande unilatéral du mari à une répudiation.


En effet, selon 31-3 du Code de statut personnel tunisien, le divorce demandé unilatéralement peut l’être tant par l’homme que par la femme.


Par conséquent, cette rupture unilatérale du mariage pouvant être demandée soit par l’époux ou par l’épouse, elle n’est pas contraire au principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage.


C’est donc bien le principe d’égalité des époux qui constitue le critère d’intervention de l’ordre public international et non pas le principe même de la rupture unilatérale qui est en cause. Cela ne peut en être autrement puisque le droit français connait aussi d’une rupture unilatérale des liens du mariage par le divorce pour altération définitive du lien conjugal (article 237 du Code civil).


La Cour de cassation prend soin de relever qu’en l’espèce, les droits de la défense avaient bien été respectés.


Ainsi, si la rupture unilatérale du lien matrimonial est ouverte aux deux époux, elle ne sera pas contraire à l’ordre public international.

Si la rupture unilatérale est réservée à un seul des conjoints, à l’exclusion de l’autre alors elle sera contraire à l’ordre public.


Cette décision ne nous permet pas de mieux appréhender un arrêt de la Cour de cassation de 2021 qui n’a pas assimilé la Khol’a à une répudiation alors qu’il s’agit d’une rupture unilatérale réservée à la seule épouse à l’exclusion du mari.





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